Alexis Nesme, dans la case… | Horrifikland

Alexis Nesme, Dans la case, Horrifikland, Glénat

Une Case en plus vous propose de rentrer Dans la case d’un auteur de bande dessinée, qu’il soit scénariste, dessinateur ou encore coloriste. Dans la case, c’est simple, l’auteur choisit une case au sein de son dernier album, explique son choix et la décrypte pour vous.

Aujourd’hui, c’est au tour d’Alexis Nesme de nous faire entrer dans la première case de la page 12 d’Horrifikland publié chez Glénat.

« Cette case représente l’entrée dans le monde de Horrifikland. Il s’agit du manoir hanté qui est au centre du parc, l’idée de Lewis étant d’avoir une maison qui fait référence aux maisons hantées classiques tout en rajoutant un côté cartoon par les accumulations ou la taille de la maison, ainsi que son aspect anthropomorphique.

 

Lewis Trondheim valide évidemment mes crayonnés, mais rares sont les moments où je l’ai consulté pour la recherche de décor. Pour cette maison, par contre, je souhaitais voir avec lui les recherches graphiques. On peut voir sur ses croquis les différentes recherches d’accumulations architecturales qui font référence à divers éléments gothiques ou victoriens et à l’univers de l’horreur et ses références. J’ai également mis mes recherches en couleurs, ou plutôt en lumières, pour montrer ce que pourrait donner l’aspect humain de la maison, avec les yeux et la bouche lumineuse.

 

Alexis Nesme, Dans la case, Horrifikland, Glénat

 

Pour cette case, et pour l’album dans son ensemble, l’idée était d’adapter mon style de couleur directe plutôt réaliste avec l’univers Disney, tout en gardant un maximum de références au graphisme des années 1930/1940. Si Lewis, lui, gardait comme références visuelles les comics de ces années-là (notamment les planches BD de Floyd Godfredson), je me suis, de mon côté, beaucoup plus inspiré de l’animation Disney, tant les courts-métrages Mickey que les premiers longs-métrages, dont je suis très fan. J’admire la qualité d’animation, les fonds gouachés, et le travail de tous les artistes qui sont en amont de chaque long-métrage (travail que l’on a pu voir ces dernières années dans une belle expo au Petit palais sur Disney, puis une seconde au musée Art ludique).

Il y a dans ce travail de décor et de recherche de ces années 1930/1940, un style graphique qui oscille entre réalisme et trait plus caricatural (simplification de l’architecture, déformation et assouplissement des formes), qui va donner ce style caractéristique des premiers Disney. C’est ce qui m’a beaucoup inspiré pour cet album.

Le scénario de Lewis est dessiné. Il me donne donc, en plus des indications de mises en scènes et des dialogues, des précisions pour le découpage. Mais pour celui-ci, j’ai un peu de latitude et je peux quelques fois jouer sur le nombre ou la mise en forme des cases et des cadrages. Contrairement au découpage de Lewis dans lequel il avait prévu une grande case horizontale, j’ai préféré proposer une case verticale assez resserrée pour pousser l’impression de hauteur et de vertige que donne la maison un peu alambiquée. De plus, une case grande horizontale aurait donné l’impression de calme et de temps long, alors que la scène se veut assez rapide. Les personnages sont surpris par un cri et filent vers la maison à toute vitesse. La case verticale accentue donc cette impression de vitesse, ainsi que la série de trois cases accolées.

Alexis Nesme, Dans la case, Horrifikland, Glénat

 

Je commence par réaliser quelques petits dessins outils pour choisir la composition des cases, puis je passe au crayonné. Pour celui-ci, je commence au critérium bleu, afin d’avoir un trait léger pour poser les perspectives, les éléments par formes larges, ce qui me permet de revenir dessus avec un critérium graphite pour affiner ou trouver plus de justesse sur certaines parties du dessin (les persos par ex.). Sur ce crayonné, et dans l’ensemble de l’album, j’ai dessiné des architectures souvent déformées, un peu bancales ou tordues, avec des perspectives exagérées. Souvent, j’utilise des perspectives à 3 points de fuite, ou aux lignes déformées, effet fish-eye (les trois dernières cases, par ex. ou les lignes censées être verticales partent vers des points de fuite). Mais même pour des architectures déformées, il m’arrive de poser des lignes de fuite (qu’on peut voir autour de la maison), pour garder un peu de justesse.

Alexis Nesme, Dans la case, Horrifikland, Glénat

 

Pour la couleur, j’ai une technique picturale assez complexe (mélange d’encres et de gouache), sans qu’il y ait de contours posés en amont. Mon plaisir est de travailler la couleur, mais avant tout la lumière. Quand je me suis aperçu que dans le scénario de Lewis, la nuit tombait dès les premières pages pour rester tout l’album, j’ai ressenti une certaine frustration, moi qui adore changer tout le temps d’ambiance colorée, avec une prédilection pour les ambiances chaudes et le travail du ciel…

J’ai donc du m’adapter à cette contrainte, en trouvant de nombreuses manières de traiter cette obscurité, que ce soit par les couleurs (ambiances de bleus très saturées, ou plus grisées, ambiances d’intérieur plus chaudes, ou bien vertes, rouges…etc…), ou par les contrastes de lumière (sources lumineuses différentes, clair/obscur + ou – fort…).

Dans cette case, par exemple, j’ai fait une ambiance de bleu assez peu saturée, tirant sur les gris, pour avoir un univers plus angoissant pour la découverte de ce manoir. Pour faire vivre cette image, j’ai 2 sources lumineuses ; le bougeoir de Dingo, qui permets de décrocher nos personnages et d’attirer l’œil du lecteur, et les fenêtres de la maison, qui lui donne son coté humain, et qui se découpent sur sa silhouette sombre ».

Alexis Nesme, Dans la case, Horrifikland, Glénat

Nous remercions très chaleureusement Alexis Nesme pour sa participation à la rubrique Dans la case. Merci aussi pour sa patience. Retrouvez la chronique de l’excellent Horrifikland.

1 réaction sur “ Alexis Nesme, dans la case… | Horrifikland ”

  1. Jean-Marc Réponse

    Très intéressant !
    J’aurais été curieux de voir également le découpage dessiné de Lewis Trondheim, pour suivre l’évolution qui en a découlé.
    Merci pour cette rubrique “Dans la case”, toujours captivante.

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