Dans Carbone et Silicium de Mathieu Bablet nous partageons les tribulations de 2 androïdes intelligents, premiers de leur espèce, inséparables mais séparés dans une société humaine en déclin.
2046. Derniers nés des laboratoires Tomorrow Foundation, Carbone et Silicium sont les prototypes d’une nouvelle génération de robots destinés à prendre soin de la population humaine vieillissante. Élevés dans un cocon protecteur, avides de découvrir le monde extérieur, c’est lors d’une tentative d’évasion qu’ils finiront par être séparés. Ils mènent alors chacun leurs propres expériences et luttent, pendant plusieurs siècles, afin de trouver leur place sur une planète à bout de souffle où les catastrophes climatiques et les bouleversements politiques et humains se succèdent…
L’histoire se déroule sur une très longue période, parsemée d’ellipses qui sont autant de tranches de vie des androïdes Carbone et Silicium. Ce découpage intéressant permet d’aborder de nombreux thèmes et de présenter de nombreux cadres à l’intrigue, le scénario faisant voyager les héros dans le temps, l’espace et les sociétés, toutes dystopiques. Dès les premières pages s’expriment le cynisme de Mathieu Bablet à l’égard des humains et sa désillusion quand au modèle capitaliste. La morale distillée peut être autant classique, lorsqu’elle est textuelle et sort de la bouche des personnages, que puissante quand elle se devine en filigrane dans la mise en scène. On peut penser à Akira d’Otomo, dans l’œuvre de Mathieu Bablet, à travers la dégradation du climat social, l’avilissement de l’humain et la beauté qui émanerait ici de 2 robots, ou plus proche, à Shangri-la, son œuvre précédente dont il poursuit des idées.
La solitude semble tenir un rôle important dans l’œuvre de Mathieu Bablet. Dans La belle mort, Adrastée, et Shangri-La il y a de la solitude, exprimée de diverses manières, et ce sentiment Carbone et Silicium le vivent également, êtres uniques et en perpetuelle quête de sens. L’auteur se sert clairement de ses héros pour prendre position sur des thèmes contemporains, que sont, par exemple l’humanisme, et l’écologie, et exprimer un pessimisme, qui traverse encore une fois l’ensemble de son œuvre.
Parfois glauque, sombre et sale, Carbone et Silicium est servi par un trait qui ne déroutera pas les habitués de Mathieu Bablet. Tous les personnages paraissent déjà difformes et laids quand ils ne sont pas en plus maltraités par le scenario. Les décors sont riches, superbes d’inventivité et de precision, honorés par des choix tranchés et maîtrisés dans la colorisation. Vous pourrez vagabonder et parfois vous perdre, passant d’un détail à un autre dans des cases d’une rare profondeur.
Mathieu Bablet n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se projette, et que de réflexion psychophilosophique on passe à de l’anticipation intelligente et engagée. Carbone et Silicium est une traversée et le chemin y importe plus que la destination. N’y cherchez ni réponses ni résolutions, les seuls personnages aux idées arrêtées sont au final moins prophètes qu’anecdotes dans la tranche d’Histoire qui nous est livrée.
Carbone & Silicium
277 pages
Mathieu Bablet
Ankama éditions – Label 619
Parution : 28 août 2020
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