une Case en plus vous propose de rentrer Dans la case d’un auteur de bande dessinée, qu’il soit scénariste, dessinateur ou encore coloriste. Dans la case, c’est simple : l’auteur choisit une case au sein de son dernier album, explique son choix et la décrypte pour vous.
Aujourd’hui, Colin Wilson vous propose d’entrer dans la case… 1 de la page 30 du tome 4 de Wonderball, édité par les éditions Delcourt.
Wonderball me permet de revisiter les films américains avec lesquels j’ai grandi dans les années 60 et 70. Bien sûr, c’est un vieux cliché, souvent trop utilisé, pour dire qu’on ne fait plus des films comme ça, à Hollywood tout au moins …. Ils essaient, mais un film comme Drive (2011) de Nicolas Winding Refn n’a rien à voir avec l’original, le grand et pourtant si simple film de Walter Hill, The Driver de 1978. Plus personne ne regarde ces vieux films. Les remakes semblent vides. Ils sont élégants, et pourtant ces imitations son lisses et apportent peu de choses par rapport aux versions originales qu’ils veulent pourtant clairement améliorer, sans pour autant jamais faire mieux. A mon avis.
Notre série Wonderball est remplie de références à ces grands mélodrames du film noir, avec des clins d’œil occasionnels au rock’n’roll, aux real-life crimes, et plus encore. Peu importe si ces références n’interpellent pas forcément le lecteur, elles sont toutes présentes parce que Fred Duval, Jean-Pierre Pécau et moi avons adoré ces trucs par le passé. Et je souhaiterais qu’il y en est beaucoup plus aujourd’hui. Le cinéma ne le fait pas, mais en BD nous avons le pouvoir de nous faire plaisir.
Les références issues du cinéma sont des éléments très importants dans la série de Wonderball. Avec le 4ème tome de la série, Le photographe, l’histoire nous mène inévitablement à Los Angeles. Grâce à Internet, il est relativement facile, de nos jours, de recueillir des visuels pour s’en inspirer et les inclure dans des albums comme Wonderball. Mais il est important de ne pas utiliser ce matériel indistinctement… J’apprécie vraiment de travailler sur des cases réalisées à partir de ces visuels / photos que j’ai recherché, qui je l’espère, semblent authentiques.
L’origine de la case 1 de la page 30 est le résultat d’une recherche plutôt chanceuse sur Internet. Sur un forum consacré au « vieux » Los Angeles, j’ai trouvé de nombreuses histoires, des articles, des nouvelles et des photos. La cité des Anges – à minima le centre-ville – a toujours existé avec un renouvellement urbain constant. Par conséquent, il reste très peu de chose datant des années 50/60. Heureusement, la documentation sur Los Angeles a toujours été importante, notamment grâce à son utilisation presque constante par l’industrie cinématographique. Cela me semblait le bon prétexte pour revisiter le Hollywood Noir que je regardais, avec passion, devant la TV les dimanches après-midi. Je regardais ces films policiers des années 50 / 60 de Don Seigal, Walter Hill et bien d’autres. Fascinant, mais pas tout à fait pertinent pour écrire un script BD situé en 1983.
Heureusement pour moi, il existe aussi une énorme quantité de dossiers photographiques de bâtiments démolis depuis longtemps, de rues et de zones entières qui ont été démolies, ou nivelées au nom du progrès. Le bâtiment que j’ai dessiné et situé dans Mulholland Drive – ou plutôt “ma” version de Mulholland Drive comme il apparaît dans Le Photographe – n’a certainement jamais existé à cet endroit, et probablement à aucun autre endroit de Los Angeles en 1983. Mais notre histoire nécessitait une belle bâtisse gothique, dans un style à la fois impressionnant et sinistre, comme utilisé dans le film Sunset Boulevard de Billy Wilder en 1950.
Ces derniers temps, je détermine mes séquences en utilisant des “thumbnails” miniatures. Cela me permet de bloquer la séquence avant de dessiner les cases tailles réelles de chaque album.
La première version de cette case m’a semblé assez intéressante, mais compte tenu de la séquence suivante de 8 pages, il m’est apparu évident que la vue initiale de la maison, plein-champs, et de la végétation environnante ne fonctionnerait pas assez bien pour mettre en scène les séquences de complots à l’intérieur de la maison. Il était important que le lecteur en voit plus de la situation géographique – Mulholland Drive, les maisons voisines, et les horizons de Hollywood Hills en arrière-plan ; Je suis donc retourné sur ma table à dessins et j’ai remanié la case entière, afin de mieux positionner l’espace.
Cela a nécessité une journée supplémentaire de travail, voire deux, mais cela valait vraiment la peine de mettre en place clairement tous les éléments pour mieux lier l’ensemble, cette case et la séquence de huit pages d’action à l’intérieur de la maison……..
Un grand merci à Colin Wilson pour sa participation à la rubrique Dans la case.
Et bien entendu, ne manquez pas notre chronique de cet album.
Wonderball #4
Le Photographe
54 pages
Fred Duval – Jean-Pierre Pécau – Fed Blanchard – Colin Wilson
Delcourt
Parution : 11 janvier 2017