Ecoline #1, la critique

A l’aube de l’exposition universelle de Paris, la présentation de la Tour Eiffel n’est pas le seul événement notable. Il y a également des destins qui se jouent, et Stephen Desberg et Teresa Martinez nous narrent ceux d’Ecoline la chienne et de ses amis, sur fond d’Art, avec un grand A.

Ecoline est destinée à devenir chien de garde. Mais plutôt que de protéger la ferme, elle passe son temps à peindre. Une occupation qui provoque son exil de la campagne vers un Paris en pleine effervescence. L’Exposition universelle approche à grands pas et pour accueillir les visiteurs du monde entier, la capitale se doit d’être impeccable ! Sans argent et sans collier, Ecoline doit trouver une solution, sous peine d’être à nouveau chassée. Dans la ville Lumière où tout le monde ne parle que de ces nouveaux artistes, les impressionnistes, Ecoline croit tenir sa chance et décide de vendre ses peintures. Mais le public est-il prêt à aduler une chienne-peintre ?

L’histoire démarre sombrement, à l’orée d’un événement historique, alors qu’Ecoline se plonge dans ses souvenirs et nous raconte comment elle en est arrivée à se cacher et errer sous la pluie, loin de ses amis. Fille d’un chien respectable et d’une mère compréhensive, elle est en décalage total avec sa lignée et son destin de chienne de garde. Un incident va précipiter son bannissement et le début de ses aventures à Paris. De petits boulots en petits boulots, Ecoline va atterrir au Moulin Rouge et découvrir enfin le Paris des rêves et des artistes, notamment à travers son amitié avec Musette, la vedette du Moulin Rouge, et Raoul, le pigeon vagabond et poète. Elle retrouve également le chien qui a failli causer sa perte à la campagne, Fédor, gendarme et voleur, à l’âme aussi noire que le pelage. Il représente la seule adversité dans le récit de Stephen Desberg, obstacle à la liberté et aux rêves des héros. Le rythme du récit est à l’image de ces deux facettes de Paris. Il oscille entre la contemplation des scènes douces et lumineuses d’Ecoline et de ses amis qui jouissent de la vie d’artistes et l’angoisse des scènes sombres avec Fédor. Ce côté binaire n’est pas gênant, le récit, maîtrisé, mène le lecteur sans le perdre jusqu’au dénouement sans trop surprendre ni décevoir. Les personnages sont bien caractérisés, candide mais courageuse pour Ecoline, mystérieuse et raffinée pour Musette. Les dialogues, très bien écrits, ne tombent pas dans une désuétude pesante où on aurait trop voulu marquer une époque. Ils sont saupoudrés avec pertinence pour renforcer le burlesque d’un Moulin Rouge, la beauté d’une scène pittoresque, le caractère vil d’un Fédor. En somme, récit et dialogues forment une belle synergie avec les graphismes.

Le Paris de Teresa Martinez est sublime. Son travail sur les décors comme un hommage aux peintres célèbres, dont on retrouve de nombreux clins d’œil au sein de l’album, avec Montmartre de jour où Pigalle de nuit est magnifique. Les personnages, animaux anthropomorphes, sont superbement rendus, expressifs tout en gardant leur côté animal. Les couleurs chatoient ou se font dures pour servir le récit et l’ensemble est d’une cohérence exemplaire.

Ecoline invite au voyage, à travers son aventure à hauteur de canidé sensible dans les rues de Paris et alentours, à travers le gris et les couleurs, l’odeur de la pluie sur le pavé et la senteur du champ baigné de soleil. Paris, dans Ecoline, enchante, et l’œuvre de Stephen Desberg et Teresa Martinez nous laisse un sourire sur le visage lorsqu’elle se referme.

Ecoline
72 pages
Stephen Desberg – Teresa Martinez
Grande Angle
Parution: 2 juin 2021

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