Une Case en plus vous propose de rentrer Dans la case d’un auteur de bande dessinée, qu’il soit scénariste, dessinateur ou encore coloriste. Dans la case, c’est simple, l’auteur choisit une case au sein de son dernier album, explique son choix et la décrypte pour vous.
Aujourd’hui, Erwann Surcouf vous propose d’entrer dans la première case de la page 96 de Mars Horizon, réalisé avec Florence Porcel, et publié par les éditions Delcourt.
” On y voit Jeanne Clervois, “membre communicant” de la mission Mars Horizon, le premier vol habité sur Mars en 2080. Une de ses tâches, outre écrire le premier hymne martien et conduire des expériences sur le son, est d’enregistrer un journal vidéo de bord à destination de la Terre (d’où le “rec”, puisqu’on est en vue subjective du robot qui la filme), dans lequel elle relate l’avancement de la mission, l’état de ses recherches, ses impressions plus personnelles, etc.
Pour le dessin j’ai essayé de rester spontané, ce qui correspondait bien à ce récit qu’on voulait le plus humain possible. Je fonctionne avec le moins d’étapes possibles : à partir du scénario de Florence, j’ai établi d’abord un storyboard très simple, mais suffisamment clair pour pouvoir être lisible par d’autres que moi.
C’est sur cette base que l’on discute avec Florence, on se renvoie la balle, on se donne des idées, je redécoupe, on fait lire à nos deux co-éditeurs Boulet et Marion Amirganian, je propose de fusionner telle ou telle case, j’en intervertis d’autres, etc.
Quand je suis sûr de mon coup au niveau de la narration et du rythme, je passe directement à l’encrage, sans passer par un crayonné. Comme dans mon précédent album “Pouvoirpoint”, je dessine directement au stylo, un peu au jugé, parce que le crayonné préparatoire m’angoisse et ça fige tout ! Et si un dessin ne convient pas, je fous du typex ou je coupe la case, et je recommence.
Simplicité également pour la couleur, le plus souvent en aplats, et que je voulais à la fois fonctionnelle, par exemple pour bien démarquer les différents lieux (la base au sol, la station en orbite, les paysages extérieurs) et les différentes temporalités (l’action présente, les souvenirs, les parties plus didactiques), mais aussi porteuse des émotions des personnages.
Ici, on arrive donc à un moment du récit où les quatre astronautes au sol subissent un ascenseur émotionnel, ils sont là depuis une semaine, la tension du voyage spatial retombe, mais ils ne se sentent pas encore tout à fait chez eux, et doivent composer en permanence avec la technologie défaillante.
Pour faire ressentir ça je voulais tester un effet de rythme dont je n’ai pas l’habitude : à la page précédente Jeanne s’est interrompu à la fin d’un monologue très intime face caméra, et comme happée par le paysage martien à travers le hublot, elle nous tourne le dos, plongée dans ses pensées. La page s’est donc achevée sur une case silencieuse et contemplative, alors que traditionnellement on termine plutôt par un élément de surprise, un mini-cliffhanger qui incite à tourner la page. Mais là, alors qu’on croit que la discussion est finie ou qu’on va changer de scène, bim elle repart au début de cette page 96 : “Voilà ! Ça, ça a de la gueule !”
Et dans les cases suivantes on alterne plan grave et plan plus burlesque : elle commence enfin à lâcher la pression, elle oublie un peu la caméra, devient moins protocolaire.
J’ai un attachement particulier pour cet enchaînement des deux pages, puisqu’on y retrouve toute la passion et l’enthousiasme de Jeanne, qui est clairement l’ater ego de Florence Porcel ! ”
Merci à Erwann Surcouf pour sa participation à notre rubrique dans la case. Et retrouvez également notre chronique de Mars Horizon.