Le Triskel volé, la critique

Avec Le triskel volé, Miguelanxo Prado entame, aux éditions Casterman, sa trilogie Triskel (ou Trisquel) par un récit mêlant écologie, enquête et lutte du bien contre le mal. 

Un jeune étudiant met la main sur l’étonnant journal d’un chercheur ayant découvert semble-t-il la résur‐ gence d’un ordre ancien peuplé d’anges et de démons. Sa clef ? Un talisman celtique, gravé d’un trisquel ! Commence une quête baroque semée d’embûches, entre bibliothèques universitaires, arrière-salles de magasins d’antiquités et vieilles villas endormies. 

C’est une promesse que Prado nous a faite : Rego l’étudiant luttera contre des forces occultes, tel un Indiana Jones Jr couleur locale, à travers un récit écolo intimiste inscrit dans son temps, le folklore celtique en toile de fond. Point de souffle épique. Prado réussit le paradoxe de livrer un récit à la fois lent, et au développement trop rapide. Les ellipses narratives, sensées créer du rythme, nous parachutent d’une scène lente à une autre, et on a le sentiment que Le Triskel volé penche plus du côté d’un mauvais Julie Lescaut que d’Indiana Jones. Prado, le galicien, souhaitait rendre hommage au celticisme, malheureusement un triskel et quelques allusions rapides au druidisme ne font pas un univers. Le récit n’est pas sauvé par ses personnages, clichés du genre, spectateurs de leur propre aventure, peinant a acquérir au gré des cases de la profondeur. Espérons que les autres tomes de la trilogie leur rendront plus honneur. Seul s’en sort Xamain, vrai héros du Triskel Volé, démon nostalgique tantôt doux, tantôt plein de rage, pour qui la fin, à savoir une Terre sublime et harmonieuse, justifie les moyens, l’éradication des hommes.
A côté, c’est le défilé des dispensables : le fade étudiant ou la non moins fade étudiante-qui-a-d es-pouvoirs-sans-le-savoir-et-est-gothique/émo, le noble royaliste qui surjoue, le directeur corrompu, le vieux prof bafoué et sympa, le duo de petites frappes qui aimeraient avoir les dialogues d’Audiard, etc. Attardons-nous d’ailleurs sur ces derniers. Prado installe et instille de la poésie, de l’écologie, de la naïveté dans une ambiance “tout public” puis au détour d’une case un homme se fait égorger, une femme étrangler à côté d’un vieil homme au sort peu enviable. Comme plusieurs cheveux sur la même soupe, certaines scènes sont discutables et font du Triskel Volé un album à ne pas mettre entre toutes les mains. Déception donc. 

Si Le Triskel volé de Prado ne nous est pas tombé des mains, justement, c’est qu’il est un régal pour les yeux. Le travail des aquarelles est magnifique, le choix des couleurs doux et harmonieux, et les personnages dessinés avec caractère, certaines lignes les traversant évoquant les traits de croquis préparatoires. Le cadrage est bon et adapté également, garant du côté enquête de l’histoire. 

On aurait aimé l’aimer, ce Triskel volé de Miguelanxo Prado, et on aurait apprécié que le fond rejoigne la forme. Seule promesse tenue : la Nature, avec un grand “N” , prend la plus belle place dans cet album. Lorsqu’on aura refermé le livre, on sera peut être pris par la nostalgie de ce petit bout de campagne dans lequel on aura imaginé séjourner, en revanche on aura totalement oublié les habitants qu’on y a croisé.

Le Triskel Volé
104 pages
Miguelanxo Prado
Casterman
Parution : 15 janvier 2020

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