Les Déracinés, la critique

Catherine Bardon signe l’adaptation de son roman Les Déracinés, accompagné par Winoc, dans lequel elle s’intéresse à un couple d’Autrichiens fuyant l’anti sémitisme des années 30 pour s’installer en République Dominicaine.

Après l’Anschluss, le climat de plus en plus hostile aux juifs pousse Almah et Wilhelm à s’exiler avant qu’il ne soit trop tard. Ils n’ont d’autre choix que de partir en République dominicaine, où le dictateur promet 100 000 visas aux juifs d’Europe.

Fondée sur des faits réels, Les Déracinés emmène le lecteur sur les traces d’Almah et Wilhelm, citoyens viennois heureux en amour et en affaires. Ce bonheur qui les voit célébrer un beau mariage et naître leur premier enfant, est de courte durée avec l’arrivée au pouvoir du parti national-socialiste, qui reporte les élections en 1933. Rapidement, après la capitulation du chancelier autrichien face à Hitler, le nazisme décomplexé et les violences qui y sont associées poussent Almah et Wilhelm à arbitrer l’impensable : partir et tout abandonner ou rester et prendre le risque de mourir. Une tragédie assez poignante va malheureusement précipiter leur décision. Les Déracinés ne contient pas d’héroïsme, ou alors d’un genre different. Les choix auxquels les protagonistes sont confrontés sont avant tout des choix familiaux. Rester ou partir, se taire, être patient, faire confiance. L’arrivée en République Dominicaine, dans une communauté 100% juive, dont l’accueil est rendu possible par le dictateur Trujillo, transporte encore davantage le récit dans un drame intime et familial. Espoir et effort se côtoient dans la construction de cette seconde chance au soleil. Chacun trouve sa place et se lie, l’occupation est lointaine. Le rêve collectiviste évolue, la réalité des camps rattrape l’île isolée à la libération et le couple vivra encore quelques coups du sort. Le récit est judicieusement parsemé de petites fenêtres ouvertes sur des détails méconnus de l’Histoire, ce qui conforte l’intérêt de cet album.

Le trait se Winoc est fin et se prête tout autant à la grisaille urbaine de Vienne, aux détails des maisons, qu’à l’île paradisiaque, sa verdure et sa mer turquoise. Le contraste est extrême entre l’ancienne vie du couple et la nouvelle : les couleurs sont chatoyantes sur l’île et ternes ailleurs. Les personnages de Winoc sont distincts et variés, caractérisés, et il parvient à exprimer, par son graphisme, l’ambiance de la République dominicaine, entre chaleur et pesanteur.

Le rythme des Déracinés est lent et soutenu, implacable comme le temps qui s’écoule. Catherine Bardon et Winoc proposent une très bonne BD, avec en toile de fond la seconde guerre mondiale et la montée de l’anti sémitisme, maîtrisée sous tous ses aspects. Entre tragédie historique et grandeur d’homme, ils mêlent habilement la grande et la petite histoire.

Les Déracinés
128 pages
Catherine Bardon – Winoc
Philéas
Parution : 21 janvier 2021

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