Avec la sortie du dernier album d’Astérix, Astérix chez les Pictes, nombreux ont été les articles qui essayaient de donner au héros une conscience ou même une orientation politique. Et pire encore, les politiques eux-mêmes se sont intéressés à la chose en tachant de récupérer le célèbre petit Gaulois dans son camps. Il faut dire qu’Astérix jouit d’une popularité exemplaire en France et dans le Monde. Plus de 350 millions d’albums ont été vendu dans le monde, c’est dire si un tel héros peut représenter un atout pour faire parler de soi.
C’est tout d’abord Olivier Maison, dans Marianne qui retrouve dans la série des valeurs “qui sentent bon l’universalité : l’esprit de résistance, la liberté, la solidarité, la démocratie et surtout la découverte de l’autre”. Puis Le Nouvel Observateur parle pour la décrire “d’identitaire ou postcolonial”, de “républicain ou communautariste”, de “platonicien ou soixante-huitard” ou de “gaulliste ou mendésiste”. Roselyne Bachelot, désormais devenue chroniqueuse sur D8, s’en aussi exprimait sur le même thème.
Pire encore que ces commentaires, les politiques eux-mêmes profitent de la sortie du nouvel album d’Astérix pour s’exprimer et tenter de faire du héros un partisan de leur camp. Hervé Morin, du Nouveau Centre, retrouve dans le village Gaulois, un “village conservateur, qui considère qu’il n’y a rien de bon chez les autres et où les voisins se tapent tout le temps dessus. C’est certainement un village de droite” . Quant à Alexis Corbière, du Parti de Gauche, c’est tout l’inverse. Il considère les Gaulois d’Astérix comme des “franchouillards” prônant la “Solidarité entre les gens, égalité dans le village. Tout le monde y a la même hutte”. Même Michel Sapin, actuel ministre du Travail, fait une analyse du village Gaulois : “village anti-mondialisation parfait”, “Tout le monde garde le même emploi toute sa vie (…) personne ne vieillit. Aucune technologie nouvelle ne vient bouleverser la vie économique. Personne n’y a à y gérer la question des retraites ou de la reconversion professionnelle. Les Gaulois résistent non seulement à la mondialisation romaine, mais aussi au temps qui passe” . Sic.
Mais la palme revient à Jean-Vincent Placé, sénateur d’Europe-Ecologie, qui participe allégrement au débat : “Astérix, c’est de droite ou de gauche ?” lancé par Le Nouvel Observateur. Il va jusqu’à trouver le sujet enfin bon… n’en déplaise aux autres : Chômage, Ecotaxe, et j’en passe.
On pourrait en rire, sauf que connaître la conscience ou l’orientation politique d’un héros de BD, et bien, on s’en moque ! Sauf erreur, Astérix ne s’est jamais exprimé à ce sujet. Alors il est possible de lui faire tout dire et tout penser. L’interprétation est une question d’angle, et évidemment chaque camp pourra revendiquer l’appartenance d’un héros BD à son camp.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’Astérix se retrouve au centre de la politique. En 1998, lors d’une réunion des cadres du RPR au Palais des Congrès à Paris, Nicolas Sarkozy, alors Secrétaire Général du parti, présente, sous l’hilarité générale, une affiche mettant en scène Astérix et ses amis avec le slogan “Vous en avez marre de la droite la plus bête du monde? Nous aussi!!!”.
Sauf que Nicolas Sarkozy n’a pas demandé à Albert Uderzo, dessinateur du héros, son autorisation, “Jamais personne ne m’a posé la question pour savoir s’il pouvait prétendre pouvoir utiliser les personnages d’Astérix”. Et lui et René Goscinny se sont toujours refusé de prêter Astérix, Obélix et les autres membres du village “à un quelconque parti politique, qu’il soit de gauche ou de droite (…) parce qu’ils s’adressaient à des enfants”. Branle-bas et confusion de combat au sein du RPR et Nicolas Sarkozy a été contraint de modifier son emploi du temps, pour aller rencontrer Albert Uderzo au sein de sa maison d’édition pour présenter des excuses et désamorcer la crise.
Quel intérêt avons-nous de connaître ou d’imaginer si un héros de BD est de Gauche, de Droite, du Centre ou d’ailleurs ? Ils sont là pour nous divertir, nous amuser, nous faire sourire, nous faire rire. Et c’est déjà beaucoup ! Alors bien sûr, il y a le cas où l’auteur décide de lui-même de « politiser » son héros. C’est son choix, il l’assume. Mais pour les autres qui n’ont strictement rien demandé, il serait préférable de les laisser tranquille.
Merci pour eux, merci pour nous.