Blutch annonçait depuis longtemps son désir de réaliser une aventure de Tif et Tondu. C’est désormais chose faite avec Mais où est kiki ? publié aux éditions Dupuis.
Après une enquête de longue haleine, Tif et Tondu réussissent à mettre sous les verrous l’antiquaire des stars : Patrice Goret de Saint Guy. Il ne conservait rien de moins que soixante-trois toiles de maîtres déclarées comme volées. Quelque temps après, alors en pleine tournée de dédicace pour le roman narrant cette affaire, les deux comparses tombent sur deux fous furieux. Le premier est un géant qui leur transmet un message indiquant que Kiki, une de leurs amies proches, a probablement été enlevée. Le second est la fille de cet antiquaire véreux, qui tente de brûler la librairie et d’assassiner Tif ! Cette dernière jure que son père est innocent et qu’il a été obligé de cacher les oeuvres pour le compte d’un criminel dangereux. Pour Tif et Tondu, la suspicion est on ne peut plus permise… Car c’est bien connu, les prisons sont pleines d’innocents, mais celui-là a l’air tout à fait coupable. Néanmoins, devant l’insistance de leur éditrice, Maxine, qui flaire le bon coup, ils reprennent l’enquête. Kiki, elle, manque bien à l’appel et ils se font un sang d’encre : le comble pour deux écrivains de leur trempe. Commence alors une enquête en eaux troubles, qui les mènera plus loin qu’ils n’auraient pu l’imaginer !
Alors que les reprises de héros de BD sont légion ces derniers temps (Blueberry, Lucky Luke, Corto Maltese, Blake et Mortimer, …), les éditions Dupuis se lancent à leur tour et proposent à Blutch de signer sa version de Tif et Tondu. Alors que son univers semble assez loin de celui des détectives amateurs, le pari semble, de prime abord, assez osé et fou. Pas tant que cela. Depuis ses 10 ans, Blutch est un véritable fan de la série et transmet le virus à son frère cadet Patrick Hincker alias Robber. 40 ans plus tard, ils réalisent donc un véritable rêve de gosse. Et les deux frères dépoussièrent cette mythique série de très belle manière. Robber signe un scénario solide – un récit dans le milieu des antiquaires mêlant efficacement vols de tableaux, enlèvement, poursuites et bagarres – et fidèle à la série originelle tout en y apportant une pointe de modernité. Il est, par ailleurs, intéressant de voir comment le scénariste s’attarde sur la relation entre Tif et Tondu et s’attache à mettre en avant cette dualité entre les deux amis, l’un étant plus réfléchi et l’autre plus extravagant. Leurs différences de caractère permettent de créer un vrai duo complémentaire et sont bien évidemment source de nombreuses chamailleries entre les héros. La relation entre Tif et Tondu est aussi une source de beaucoup d’humour tout au long du récit. Sans omettre des dialogues ciselés et percutants.
Avec son style graphique, qui a fait sa marque de fabrique, Blutch se démarque indéniablement de la ligne claire de Will tout en la respectant. Une fois la surprise passée, et sans que les fans de la première heure, dont on fait partie, ne se laissent décontenancés par le graphisme du dessinateur, on se laisse totalement embarquer et charmer par le magnifique travail de Blutch. Les décors sont soignés et la galerie de personnages hauts en couleurs animent merveilleusement cette histoire.
Blutch et Robber revisitent, et rendent hommage, avec talent la mythique série Tif et Tondu en livrant un polar étonnant, captivant et palpitant. Dès les premières pages, le lecteur ressent immanquablement que les auteurs aiment véritablement Tif et Tondu, et ils transmettent cette amour avec beaucoup de passion. Coup de cœur !
Une aventure de Tif et Tondu
Mais où est Kiki ?
80 pages
Blutch – Robber
Dupuis
Parution : 31 janvier 2020
« Robber signe un scénario solide – un récit dans le milieu des antiquaires mêlant efficacement vols de tableaux, enlèvement, poursuites et bagarres », écrivez-vous.
Où avez-vous vu que l’intrigue se situait dans le milieu des antiquaires ? On ne comprend même pas pourquoi Gisèle Goret de Saint-Guy fait évader son père – lequel est marchand d’art et non pas antiquaire. Quant à l’ingrédient cape d’invisibilité, franchement : Rosy lui-même n’aurait pas osé…
Pourquoi l’éditrice Maxine Fauche-Poulain, des éditions du Cerfeuil, a-t-elle fait enlever Kiki ?
Les deux intrigues parallèles ont-elles un lien avec le milieu des antiquaires ? Non.
Ont-elle rapport l’une avec l’autre ? Non plus.
Je n’oserais appeler cela un « scénario solide ». J’ose à peine appeler scénario cette mixture d’éléments incohérents. Quelle déception.